Contrat électronique et sécurité juridique : les éléments à retenir
- L’essor de la signature de contrat en ligne soulève des préoccupations en matière de sécurité juridique.
- Un contrat électronique qui ne serait pas suffisamment sécurisé expose son entreprise à différents types de risques.
- Choisir une solution de signature électronique conforme aux exigences du règlement européen eIDAS, en particulier en privilégiant la signature électronique qualifiée, constitue le socle de la sécurisation juridique des contrats électroniques.
La signature électronique gagne du terrain dans les pratiques des organisations publiques et privées, et la signature de contrat en ligne fait partie des principaux cas d’usage. D’après un rapport sur la signature électronique produit par Oodrive et OpinionWay, publié en 2024, 68 % des contrats de fournisseurs et prestataires sont concernés par la signature électronique.
Cet essor du contrat électronique au sein des organisations soulève également de forts enjeux juridiques. Cette généralisation de la signature de contrat en ligne doit se faire dans un cadre assurant au contrat électronique la même sécurité juridique qu’un contrat papier. L’objectif : prévenir les litiges et garantir la confiance entre les parties.
Quel est le cadre légal autour du contrat électronique ?
Depuis la loi du 13 mars 2000 « portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique », le droit français reconnaît pleinement la validité et la valeur juridique des contrats électroniques. Cette reconnaissance juridique s’appuie sur plusieurs articles du Code civil (1125, 1366, 1367) et établit l’équivalence entre les supports papier et électronique.
Les conditions de validité d’un contrat électronique
Pour qu’un contrat électronique soit juridiquement valable, il doit respecter les mêmes conditions qu’un contrat traditionnel, tout en répondant aux exigences spécifiques liées à son caractère dématérialisé.
L’article 1366 du Code civil stipule que « l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ».
L’article 1367 du Code civil précise que « la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur » et « manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte », avant d’ajouter que « Lorsque la signature est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache ».
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Optez pour une signature électronique conforme au niveau de sécurité requis par chaque document.
Les 3 grandes conditions de validité d’un contrat électronique sont les suivantes :
- Identification certaine du signataire, afin d’établir sans ambiguïté l’identité de la personne qui s’engage, de manière à prévenir tout risque d’usurpation d’identité ou de contestation ultérieure.
- Consentement éclairé des parties : ce consentement aux termes contractuels doit être explicite, éclairé et libre.
- Intégrité du document : le contrat électronique doit être protégé contre toute modification non autorisée après sa signature. Cette protection technique garantit que le contenu du contrat ne peut être altéré de manière frauduleuse.
Valeur juridique de la signature électronique : l’apport du règlement eIDAS
À l’échelle de l’Union européenne, la valeur juridique de la signature électronique est encadrée par le règlement (UE) n°910/2014, plus connu sous le nom de règlement eIDAS. Ce texte établit un cadre harmonisé pour les services d’identification électronique et les services de confiance dans l’ensemble de l’Union européenne.
Le règlement eIDAS définit trois niveaux de signature électronique, chacun correspondant à des exigences de sécurité et de validité juridique.
- La signature électronique simple, qui ne garantit pas l’intégrité des données signées ni l’identité du signataire de manière certaine. Sa valeur juridique est donc limitée.
- La signature électronique avancée, qui offre un niveau de sécurité intermédiaire et répond à des exigences supplémentaires (exemple : signature avec activation via un code reçu par SMS).
- La signature électronique qualifiée représente le plus haut niveau de sécurité. Elle garantit l’identification incontestable du signataire (de manière à prévenir toute usurpation d’identité), et bénéficie de la même valeur juridique que la signature manuscrite. Une signature électronique qualifiée ne peut pas être refusée en tant que preuve.
Le règlement européen eIDAS harmonise les exigences en matière de signature électronique au niveau de l’Union européenne. La hiérarchisation entre les trois niveaux de signature électronique permet aux entreprises de choisir le niveau de sécurité adapté à leurs besoins contractuels, en fonction des enjeux financiers et juridiques liés à leurs contrats.
Quels sont les risques en cas de non-sécurisation des contrats en ligne ?
Les organisations qui ne sécurisent pas suffisamment la signature de contrats en ligne s’exposent à différents types de risques.
Usurpation d’identité et falsification de documents
L’usurpation d’identité dans le cadre de contrats signés en ligne peut prendre diverses formes, notamment l’utilisation par une personne malveillante des identifiants d’un tiers afin de conclure des contrats au nom de ce tiers, sans que celui-ci ait exprimé son consentement.
La falsification de documents constitue un risque tout aussi critique. Les contrats électroniques non sécurisés peuvent être modifiés après signature afin d’altérer les termes de l’accord initial. Cette manipulation peut porter sur des éléments majeurs : montants, dates d’échéances, obligations des parties, etc.
Sans l’utilisation d’une solution de signature électronique sécurisée, ces modifications peuvent passer inaperçues, avec à la clé de possibles pertes financières, une altération de la réputation de l’entreprise, et une dégradation durable de ses relations commerciales.
Perte de valeur probante en cas de litige
La valeur probante d’un contrat électronique qui n’est pas sécurisé peut être remise en question en cas de litige. Son authenticité pouvant être contestée et son intégrité n’étant pas garantie, le contrat peut être considéré comme irrecevable devant les tribunaux. Cette fragilité juridique expose les entreprises à des difficultés pour faire valoir leurs droits.
La perte de valeur probante d’un contrat électronique peut également résulter de sa conservation inadéquate. Un document altéré ou corrompu après signature perd sa crédibilité juridique.
Manque de traçabilité et de confidentialité
Dans le cas de contrats électroniques non sécurisés, l’absence de traçabilité et d’horodatage des différents événements (accès aux documents, demandes de communication, demandes de destruction, documents arrivés à échéance, etc.) est problématique.
D’autre part, les contrats contiennent souvent des données personnelles sensibles, qui doivent être protégées selon les exigences du RGPD. Les entreprises qui ne respectent pas ces exigences s’exposent à des risques de fuites de données et de sanctions, avec un possible impact sur leur réputation.
Problèmes de loi applicable pour les contrats internationaux
Pour les contrats électroniques internationaux, l’absence de sécurisation peut rendre difficile le fait de déterminer la loi applicable et la juridiction compétente. Le règlement Rome I sur la loi applicable aux obligations contractuelles a vocation à s’appliquer aux contrats en ligne dès lors qu’ils présentent un élément d’extranéité, mais son application soulève des difficultés pratiques spécifiques dans un environnement numérique.
L’incertitude sur la loi applicable peut créer des zones d’insécurité juridique. Les parties peuvent se retrouver dans l’incapacité de prévoir quel droit s’appliquera à leur relation contractuelle, ce qui rend difficile l’anticipation des conséquences juridiques de leurs engagements. L’absence de clauses claires sur la loi applicable et la juridiction compétente peut transformer un litige commercial en contentieux complexe et coûteux.
4 bonnes pratiques pour garantir la sécurité juridique d’un contrat électronique
Voici 4 bons choix à faire pour sécuriser ses contrats signés en ligne.
1. Utiliser des solutions de signature électronique conformes au règlement eIDAS
Le choix d’une solution de signature électronique conforme aux exigences du règlement européen eIDAS constitue le socle de la sécurisation juridique des contrats électroniques. Cette conformité garantit la validité juridique des engagements contractuels et leur reconnaissance transfrontalière.
Pour les contrats à enjeux importants nécessitant une forte sécurité juridique, la signature électronique qualifiée doit être privilégiée. Elle représente le plus haut niveau de sécurité et la seule ayant une valeur juridique équivalente à la signature manuscrite. Cette signature repose sur des exigences techniques strictes qui garantissent l’authentification du signataire et l’intégrité du document.
La signature électronique qualifiée nécessite l’acquisition d’un certificat de signature électronique qualifié, afin que l’identité du signataire soit validée en amont.
2. Vérifier l’identification des signataires, leur consentement, et garantir l’intégrité du contrat
Il s’agit des trois conditions indispensables pour qu’un contrat électronique soit valable juridiquement. L’identification rigoureuse des signataires constitue un pilier de la sécurité juridique des contrats électronique. Elle s’appuie sur des processus robustes permettant d’établir avec certitude l’identité de chaque partie contractante, et de recueillir leur consentement.
Quant à la garantie d’intégrité du document, elle s’appuie sur des mécanismes cryptographiques permettant de s’assurer que les données n’ont subi aucune modification. Cette protection cryptographique garantit que toute modification du contenu du contrat, même minime, sera immédiatement détectable.
3. Mettre en place un archivage sécurisé et traçable
L’archivage sécurisé des contrats électroniques consiste à mettre en place un système garantissant la pérennité, l’intégrité et l’accessibilité des contrats sur toute leur durée de vie légale. Un système d’archivage électronique doit verrouiller chaque fichier afin d’empêcher toute modification du fichier après son archivage, certifier la date et l’origine du document, respecter la conformité aux normes d’archivage. Les contrats conservent ainsi toute leur valeur probante.
Tous les accès aux contrats archivés et manipulations de ces contrats doivent également être tracés et horodatés. Cette exigence de traçabilité permet à l’entreprise de reconstituer l’historique complet de la vie du contrat, depuis sa signature jusqu’à sa destruction éventuelle. Cette documentation détaillée constitue un élément probant essentiel en cas de contentieux ou de contrôle réglementaire.
4. Anticiper les conflits de juridiction
Les entreprises engagées dans des relations contractuelles internationales sont tenues d’anticiper les conflits de juridiction. La rédaction de clauses explicites sur la loi applicable et la juridiction compétente s’impose pour limiter les risques d’incertitude juridique. Ces clauses doivent être rédigées de manière claire et non ambiguë, en tenant compte des spécificités du règlement Rome I et des autres instruments de droit international privé applicables.
L’harmonisation des niveaux de signature électronique au niveau européen, prévue par le règlement eIDAS, facilite la reconnaissance mutuelle des contrats électroniques entre États membres. La signature électronique qualifiée est reconnue dans tous les États membres de l’Union européenne. Elle est par exemple requise dans le cadre de réponse à des appels d’offres européens.