En janvier 2025, dans une galaxie pas si lointaine, et alors que l’univers se passionnait pour l’IA et ses enjeux de souveraineté technologique, un vaisseau inconnu surgit des confins de l’Empire du Milieu : DeepSeek-R1, dont les performances ébranlèrent en quelques heures les fondations mêmes de l’Empire technologique occidental. Ce vaisseau mystérieux prétendait égaler, voire surpasser les performances de ChatGPT, avec un coût de développement représentant seulement 7 % du coût de son concurrent.
La grosse ombre dans ce tableau ? La fâcheuse tendance de ce modèle d’IA à aspirer les données de ses utilisateurs pour « améliorer » ses services, mais aussi à les partager avec des partenaires ou à les transmettre aux autorités chinoises.
Ce rebelle chinois arrivera-t-il à remettre sérieusement en cause l’hégémonie des géants occidentaux de l’IA ? Que doivent faire les Jedi de la tech pour ne pas se faire absorber par l’Empire des GAFAM ou un nouvel ordre asiatique ?
L’Empire technologique : les GAFAM & co face à la fronde montante
Depuis des années, l’Empire technologique dominait la galaxie de l’IA avec une poigne de fer. OpenAI, Google et Microsoft aspiraient les données personnelles de milliards d’utilisateurs pour alimenter leurs modèles d’IA propriétaires.
L’Empire s’était forgé trois armes redoutables pour maintenir sa domination galactique sur l’IA.
- La puissance brute, avec des investissements de plusieurs milliards de dollars dans l’IA. Des sommes pharaoniques qui semblaient créer une barrière infranchissable.
- Le contrôle des ressources. Nvidia, véritable Empereur Palpatine des processeurs, contrôlait d’une main de fer les cristaux kyber de l’IA : les puces GPU essentielles. Les hyperscalers, de leur côté, contrôlaient les infrastructures cloud. Même les restrictions d’exportation américaines vers la Chine visaient à maintenir cette hégémonie technologique.
- L’opacité stratégique : les modèles des géants occidentaux de l’IA restaient fermés, les algorithmes secrets, les données d’entraînement cachées.
Mais comme tout Empire, celui des géants technologiques de l’IA s’attirait des détracteurs. Telle la République sous l’emprise de l’Empereur, l’Europe était tombée dans une dépendance totale : entreprises, administrations, citoyens, tous utilisaient massivement les armes technologiques de l’Empire américain. Les coûts d’utilisation explosaient (2,50 dollars par million de tokens pour GPT-4o), créant une fracture numérique entre ceux qui pouvaient se payer l’IA et les autres.
La sécurité des données était également préoccupante pour les Jedi de la tech. Les modèles d’IA dominants collectaient massivement et de manière opaque des données. Ces données étaient ensuite stockées dans des juridictions étrangères et soumises à des lois comme le Cloud Act américain, qui permet aux agences et autorités américaines d’accéder aux données chez des fournisseurs de cloud américains, peu importe la localisation de ces données.
DeepSeek, le Faucon Millenium chinois ?
Et puis arriva DeepSeek, un vaisseau simple, développé par un équipe de jeunes rebelles chinois, dont le modèle open-source est capable de réelles performances en matière de mathématiques ou de programmation. DeepSeek-V3 surpasse par exemple GPT-4o sur la plupart des benchmarks de langage naturel et tous les benchmarks de codage et de raisonnement mathématique.
DeepSeek adopte également une philosophie rebelle : l’open-source. Contrairement à OpenAI, Google ou encore Microsoft, qui gardent jalousement leurs secrets, ces rebelles chinois publient leur code source sous licence MIT. Si le code est donc auditable et réutilisable gratuitement par n’importe quel développeur, cette étiquette « open-source » doit cependant être nuancée, puisque le code source des modèles n’a pas été publié par DeepSeek dans son intégralité. Par ailleurs, OpenAI soupçonne DeepSeek de plagiat.
Ce soupçon de plagiat cache également d’autres zones d’ombre. Premier danger : la censure imposée par Pékin. Interrogé sur Tiananmen ou Taiwan, le modèle se mure dans un silence troublant, révélant sa soumission au Parti communiste chinois.
Deuxième préoccupation : la sécurité des données. DeepSeek stocke les données des utilisateurs sur des serveurs chinois, sans préciser la durée pour laquelle il les conserve. La législation chinoise oblige par ailleurs toute entreprise à collaborer avec les autorités du pays.
Troisième alerte : les fuites massives découvertes par l’entreprise de cybersécurité Wiz, exposant « plus d’un million d’entrées de logs contenant l’historique des conversations, des clés secrètes, des détails sur le backend et d’autres informations hautement sensibles ». Un précédent inquiétant qui interroge sur la sécurité du système. DeepSeek est également susceptible d’utiliser les données saisies par les utilisateurs dans leurs prompts pour l’entraînement de ses modèles et l’amélioration de ses services.
L’émergence de DeepSeek met en lumière un paradoxe en matière de souveraineté. L’Europe se retrouve face au dilemme d’Anakin : échapper à l’emprise de l’Empire occidental… au risque de succomber au côté obscur de la Force chinoise ?
La République en péril ? Les enjeux pour l’Europe et la France
Face à cette guerre des étoiles sino-américaine, l’Europe se retrouve dans la position périlleuse de Padmé Amidala : prise en étau entre deux Empires, cherchant désespérément une troisième voie pour préserver ses valeurs démocratiques.
Les Jedi de la République française
`La France a tracé sa stratégie lors du Sommet pour l’Action sur l’IA des 10 et 11 février 2025, et affirmé sa volonté d’« établir collectivement les fondements d’une IA plus durable au service du progrès collectif ». 109 milliards d’euros d’investissements ont également été annoncés.
Mistral AI, son champion tricolore, joue le rôle de Luke Skywalker dans cette épopée. « Le Chat », l’IA française, s’impose progressivement comme une alternative crédible aux solutions américaines et chinoises, prouvant qu’une startup européenne peut rivaliser avec les géants galactiques.
Hugging Face, la licorne franco-américaine, incarne quant à elle l’esprit rebelle d’origine. Cette plateforme spécialisée dans les applications d’IA open-source permet aux chercheurs de « réentraîner les modèles en enlevant les risques de biais », démocratisant ainsi l’accès aux technologies de pointe.
Les « défis Convergence IA » lancés dans le cadre du Sommet pour l’Action sur l’IA visent à « valoriser des projets centrés sur des problèmes technologiques ambitieux » et à « démontrer l’utilité de l’IA pour l’humanité dans son ensemble ». Une approche qui privilégie l’innovation responsable par rapport à la course technologique.
L’arsenal démocratique européen
Contrairement aux Empires autoritaires, l’Europe dispose d’armes secrètes redoutables : le RGPD et l’IA Act. Ces boucliers déflecteurs imposent des standards de protection des données que ni Washington ni Pékin n’égalent.
Lors du sommet parisien pour l’IA, 61 pays et l’Union européenne ont signé une position commune pour s’accorder sur une IA « ouverte », « inclusive » et « éthique ». Les États-Unis et le Royaume-Uni n’ont pas souhaité s’inscrire dans cette dynamique.
Les défis de la Résistance
Malgré ce volontarisme affiché, les moyens français et européens restent limités. Même avec 109 milliards d’euros promis, nous sommes loin des 75 milliards annuels de Microsoft ou Google.
L’Europe peut-elle encore gagner cette Guerre des étoiles ? Sa stratégie ressemble à celle de l’Alliance rebelle : compenser son infériorité numérique par l’agilité, l’innovation, et surtout, ses valeurs démocratiques. La question soulevée par cette guerre n’est pas seulement technique, elle implique de réfléchir au modèle de société que nous voulons voir advenir.
L’Europe a encore toutes ses chances dans cette bataille, à condition de ne pas rester spectatrice trop longtemps, mais d’en devenir pleinement actrice. Comme le disait Maître Yoda : « N’essaie pas ! Fais-le ou ne le fais pas ! Il n’y a pas d’essai. »
L’étoile noire : la sécurité des données
Dans cette Guerre des étoiles de l’IA, il existe une arme ultime, plus redoutable que toutes les autres : l’étoile noire de la sécurité des données. Derrière les performances éblouissantes des modèles d’IA se cache un enjeu vital pour notre galaxie numérique : qui contrôle nos données, contrôle notre destinée. Un enjeu plus vaste se dessine dans cette galaxie numérique : qu’implique cette effervescence technologique autour de l’IA pour la protection des données, la souveraineté numérique et la confiance dans les infrastructures cloud ?
DeepSeek brandit fièrement son étendard open-source, mais comme l’affirmait Obi-Wan : « Tes yeux peuvent te tromper, ne te fie pas à eux ». « Open-source » ne signifie pas automatiquement « sécurité ». Un code open-source peut être audité par tous, ce qui peut aider à identifier les vulnérabilités, mais ne garantit pas automatiquement la sécurité. Failles de sécurité, bugs ou défauts de configuration peuvent tout à fait être présents dans des outils open-source.
D’ailleurs, les révélations de l’entreprise de cybersécurité Wiz ont mis au jour une faille dans le bouclier : une fuite de données exposant l’historique des conversations de plusieurs millions d’utilisateurs.
Les pays européens s’inquiètent de la manière dont les données de leurs citoyens sont traitées par DeepSeek. Les gardiens européens de la protection des données montent au front. En France, la CNIL a annoncé qu’elle « examinerait le traitement des données personnelles par DeepSeek », se rangeant aux côtés des régulateurs italien et irlandais. L’Italie est devenue le premier pays à bloquer DeepSeek.
« Que la force soit avec les IA souveraines »
Dans cette bataille galactique autour de l’IA, l’arrivée de DeepSeek représente un tournant géopolitique majeur. Elle redéfinit les rapports de force dans l’IA mondiale, avec des implications critiques pour la souveraineté numérique européenne.
DeepSeek est-il en passe d’acter la fin du monopole américain sur l’IA et de lancer une concurrence accrue entre fournisseurs de modèles ? Il est probablement plus juste de parler d’une diversité des approches. DeepSeek a mis en lumière l’apport de l’open-source par rapport aux solutions propriétaires.
Oodrive, acteur engagé dans la gestion des données sensibles, appelle au développement d’infrastructures de confiance, au service de l’IA européenne. La maîtrise des données et des infrastructures est un élément clé pour réussir à bâtir une IA éthique, souveraine et sécurisée.