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Dans un monde où les technologies numériques transforment nos économies, nos administrations et notre quotidien, la souveraineté numérique s’impose comme un enjeu stratégique majeur. La dépendance croissante aux géants du web expose les États, les entreprises et les citoyens à des risques multiples : perte de contrôle économique, vulnérabilité accrue face aux cyberattaques, et influence étrangère sur des secteurs critiques. Dans ce contexte, la maîtrise des infrastructures numériques et des données devient incontournable pour garantir autonomie, sécurité et résilience.

Pour Michel Dubois, Directeur scientifique et technique du Groupe La Poste : « La souveraineté numérique, c’est le fait de maîtriser son système d’information, ses informations et son patrimoine informationnel ». Cette définition souligne l’importance pour les acteurs publics et privés de contrôler leurs actifs numériques stratégiques et d’assurer leur indépendance face aux ingérences extérieures.

Cependant, la souveraineté numérique dépasse largement la seule question de la protection des données ou de la cybersécurité. Elle inclut le développement de solutions technologiques locales, l’autonomie des systèmes critiques, et l’instauration de normes éthiques et juridiques adaptées aux spécificités de chaque région. Que recouvre précisément cette notion de souveraineté numérique ? Pourquoi est-elle devenue indispensable pour assurer la maîtrise des données et préserver l’indépendance digitale dans un monde en constante mutation ?

Qu’est-ce que la souveraineté numérique ?

La souveraineté numérique désigne la capacité d’un État, d’une organisation ou d’un citoyen à contrôler ses infrastructures, ses technologies et ses données dans le cyberespace. Contrairement à la souveraineté traditionnelle, elle pose des défis nouveaux liés à la dépendance envers des acteurs technologiques étrangers, à la maîtrise des données personnelles et à la sécurisation des systèmes d’information.

La souveraineté numérique doit être envisagée sous plusieurs angles complémentaires : juridique, politique et économique. En 2019, le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur la souveraineté numérique la définissait comme « la capacité de l’État à agir dans le cyberespace ». De manière concrète, elle représente le pouvoir de contrôle et d’influence qu’un État peut exercer sur les données et les technologies qui façonnent notre monde numérique.

D’un point de vue juridique, la souveraineté numérique prend deux formes. La première, de nature libérale et défensive, vise à protéger les droits des citoyens, comme en témoigne le RGPD en Europe, qui encadre l’utilisation des données personnelles et protège contre les abus des géants du numérique. À l’opposé, une approche plus autoritaire, telle que celle de la Chine, repose sur une affirmation stricte de l’autorité étatique, notamment via la censure ou le contrôle des grandes plateformes numériques.

Sur les plans économique et politique, la souveraineté numérique revêt une dimension stratégique. Elle permet à un État de rééquilibrer le rapport de force avec des multinationales étrangères en situation quasi-monopolistique, souvent soumises à des juridictions extraterritoriales comme le Cloud Act. En réduisant cette dépendance, un État peut non seulement protéger ses entreprises et ses infrastructures critiques, mais aussi renforcer sa capacité à innover dans un écosystème numérique de plus en plus concurrentiel.

Sans surprise, 65 % des cadres et dirigeants français considèrent que la souveraineté numérique est un enjeu majeur pour leur entreprise. Cette prise de conscience reflète l’importance croissante d’assurer un contrôle sur les données et les outils numériques dans un contexte marqué par des risques économiques, géopolitiques et sécuritaires.

En définitive, la souveraineté numérique vise à redonner aux États, aux entreprises et aux citoyens la maîtrise de leurs ressources numériques, tout en favorisant un écosystème technologique plus équilibré et résilient. Dans un monde numérique globalisé, elle constitue une condition essentielle pour préserver l’autonomie, la sécurité et l’innovation.

Les enjeux de la souveraineté numérique

Les entreprises sont de plus en plus dépendantes des solutions numériques internationales, notamment pour le stockage et la gestion de leurs données. Cette situation engendre des risques à plusieurs niveaux :

  • Enjeux stratégiques : La dépendance aux solutions cloud étrangères peut compromettre le contrôle des données, surtout lorsque ces services sont soumis à des lois extraterritoriales comme le Cloud Act. Les entreprises doivent garantir la confidentialité et la sécurité de leurs informations, notamment dans les secteurs sensibles comme la défense, la santé, et la finance.
  • Enjeux éthiques : La protection des données personnelles est devenue une préoccupation majeure pour les utilisateurs. Les citoyens et les clients sont de plus en plus attentifs à l’usage de leurs informations. Les entreprises doivent donc adopter des pratiques responsables et transparentes pour rassurer et fidéliser leur clientèle.

Les mesures réglementaires pour renforcer la souveraineté numérique

Face à ces enjeux, la France et l’Union européenne ont mis en place des réglementations et des stratégies pour renforcer la souveraineté numérique :

  • Le RGPD (Règlement Européen sur la Protection des Données) : qui garantit les droits des citoyens sur leurs données, incluant le droit à l’oubli, l’accès aux données et le consentement explicite pour leur traitement.
  • La cybersecurity Act : qui met en place un cadre de certification pour garantir que les produits et services numériques respectent les normes de cybersécurité reconnues.
  • La doctrine « Cloud au Centre » : Cette doctrine encourage les administrations et les entreprises françaises à privilégier des solutions cloud souveraines, certifiées et sécurisées. Elle favorise l’utilisation de services locaux qui respectent les lois françaises et européennes, notamment via la qualification SecNumCloud délivrée par l’ANSSI.
  • Le projet de certification EUCS : qui a pour objectif d’harmoniser les exigences de sécurité à l’échelle européenne, offrant ainsi aux entreprises et aux administrations un niveau de protection élevé et un cadre unifié pour le cloud de confiance.
  • Le Digital Services Act (DSA) : il vise à limiter la désinformation, renforcer la transparence et protéger les utilisateurs sur les services en ligne.

Pourquoi les entreprises ont-elles intérêt à garantir la souveraineté de leurs données ?

Dans ce contexte, il devient crucial pour les entreprises de garantir leur souveraineté numérique. Elles peuvent ainsi :

  • Protéger leurs données sensibles : En optant pour des solutions locales et certifiées, les entreprises renforcent la sécurité de leurs données et réduisent les risques liés à la réglementation des pays étrangers.
  • Rassurer leurs utilisateurs : Les citoyens sont de plus en plus préoccupés par la manière dont leurs données sont utilisées. En adoptant des pratiques éthiques et en garantissant la confidentialité, les entreprises gagnent la confiance de leurs clients.
  • Réduire la dépendance : Les solutions souveraines offrent aux entreprises une plus grande autonomie, en les protégeant des changements imposés par les acteurs étrangers et en favorisant une collaboration avec des partenaires locaux, plus proches et plus réactifs.

La souveraineté numérique est désormais un enjeu central pour les États et les entreprises. Les réglementations récentes, telles que le projet de certification EUCS, la doctrine « Cloud au Centre », et les initiatives européennes, visent à renforcer le contrôle sur l’espace numérique, à protéger les données, et à encourager le développement de solutions locales. Pour les entreprises, adopter une stratégie de souveraineté numérique est non seulement une manière de sécuriser leurs activités, mais aussi de se différencier dans un environnement de plus en plus compétitif et réglementé. En privilégiant des solutions souveraines et en respectant les nouvelles normes, elles peuvent non seulement assurer la protection de leurs données, mais aussi contribuer à la construction d’un écosystème numérique plus éthique et résilient.